Le Lion de Rekem à la tête des Lions de l’Atlas, la prochaine blague belge?

Par Qerd Mamass

Pourquoi les Belges ont-ils les frites, et les Arabes le pétrole ?
Parce qu’au jour de la création du monde, ce sont les Belges qui ont choisi les premiers.
Depuis plusieurs semaines, la rumeur enfle sans jamais se concrétiser. Le prochain sélectionneur du Maroc devait être Eric Gerets, puis non en fait, puis ah ben peut-être, puis le suspense… En attendant une éventuelle nomination, la vraie question, c’est : Gerets au Maroc, vraie promesse ou bonne blague belge ?

Un CV de qualité

Tout d’abord, une fois n’est pas coutume vers chez nous, le CV. Gerets est formé au Standard de Liège, où il débute sa carrière, avant de rejoindre par la suite le grand Milan AC. Il passera rapidement à Maastricht avant d’atterrir au PSV Eindhoven, théâtre de ses faits d’armes les plus marquants : 6 titres de champion et une C1 dans l’escarcelle en 7 ans (1985 – 1992). Pas dégueu, surtout lorsque l’on sait que l’Eredivisie était un vrai championnat à l’époque!

En tant qu’entraîneur, le Belge a commencé sa carrière par divers clubs en Belgique (2 titres de champions en 3 ans) avant de retrouver ses amoures hollandaises du PSV, club avec lequel il est encore une fois sacré champion (2000 et 2001). Puis le jeune entraîneur entame son tour du monde : Kaiserslautern, Wolfsburg, Galatasaray, Marseille, Al Ittihad…et le Maroc ?

Un CV de qualité, c’est sûr, mais surtout un profil qui tranche avec ses prédécesseurs, par ses qualités de capitaine, de meneur d’hommes, de vrai leader.

Un profil atypique

 Eric Gerets, c’est avant tout un personnage. Un entraîneur aux poses douteuses devant son banc, dont l’objectif est de marquer des « goals » et qui a une vraie affection pour ses joueurs, d’où son omniprésence très protectrice pour le groupe. C’est peut-être aussi le seul coach qui a les épaules assez larges pour relever le challenge des Lions de l’Atlas. Parce qu’aujourd’hui, le Maroc est une sélection en perte de vitesse, en manque de cadres et d’identité. Et le Maroc, c’est aussi et surtout un public difficile, impatient et souvent ingrat (rappelons que le public marocain a eu la peau de Zaki avant de se mettre à genoux pour qu’il revienne il y a quelques mois, en vain). Zaki, justement, le dernier coach du mountakhab à avoir été un grand joueur. Parce que Roger Lemerre (Nantes – Nancy), Philippe Troussier (clubs de D2) ou encore Fathi Jamal n’étaient pas de grands joueurs. Parce que n’importe quel entraîneur aurait gagné l’Euro 2000 avec l’Equipe de France de l’époque. Et surtout, parce qu’aucun d’entre eux n’a réussi là où Eric est passé.

Ali Sami Yen vs Mohamed V : cap ou pas cap ?

 Le constat est sans appel, mais terriblement optimiste : Gerets a réussi partout où on lui a prédit l’enfer. Et notamment au Galatasaray et à l’OM. Galatasaray et son stade Ali Sami Yen, réputé pour être l’un des plus chauds d’Europe. Même pas mal : le club finit champion en 2006, soit le 13e titre de champion de Gerets (en cumulé en tant que joueur et entraîneur) ! Une performance remarquable pour celui que l’on considère encore comme un héros du côté du Bosphore. Mais le Belge n’est pas homme à se satisfaire de si peu : l’année suivante, il rejoint Marseille et parvient à faire remonter le club de la 19e place à la 3e place à la dernière journée, devenant une véritable idole sur la Canebière. C’est la révélation médiatique pour cet entraîneur devenu bankable et qui, malgré ses nombreux titres précédents, était inconnu du grand public français. L’année suivante, l’OM finit 2e, Gerets est entraîneur de l’année et l’histoire d’amour s’arrête étrangement là. Si l’OM est champion cette saison, c’est en partie parce qu’Eric est passé par là.

Gerets semble donc armé pour supporter la pression qui entoure l’Equipe du Maroc et pour redorer son blason. Surtout que Gerets a d’autres atouts dans sa manche, et il ne le sait peut-être même pas lui-même.

Bonjour, Guten Tag, Goede morgen…

 L’une des difficultés inhérentes à la sélection marocaine est liée à son manque criant d’identité. Depuis 2004 et la fameuse finale de la CAN, l’Equipe nationale présente un autre visage : des joueurs issus de l’immigration, qui pour la plupart ne parlent pas arabe et qui ne mouillent pas toujours le maillot. Sauf que les entraîneurs n’ont pas suivi cette évolution : le Maroc est resté enfermé dans un carcan trop franco-français, entraîné par des Français la plupart du temps (Troussier, Henri Michel, Lemerre) et par des Marocains pour assurer les intérims (Fakher, Jamal, Moumen). Et le problème se situe là : aujourd’hui, la France est beaucoup moins représentée chez les Lions de l’Atlas, désormais supplantée par les Hollandais (El Hamdaoui, Aissati ?), les Belges (Boussoufa, Dirar) et quelques Allemands par ci par là (Mokhtari à l’époque, Azaouagh)…

Hollandais, Belges, Teutons, Français…PSV, Standard, Wolfsburg, Marseille…

C’est là le point fort de Gerets : des langues qu’il maîtrise parfaitement, des championnats qu’il connaît par cœur. Et surtout, une vraie capacité à fédérer autour d’un projet, au cas où certains joueurs se croiraient au Club Med : pas de passe-droits et tout le monde aura sa chance. Valbuequoi? Oui, le mondialiste. CQFD.

Et Salam Aâlikoum dans tout ça?

Oui, mais il y a un mais. Avec un entraîneur qui parle toutes ces langues « stratégiques », on encourage un modèle de recrutement européen qui a montré ses limites avec le fiasco de la qualif’ combinée CAN/World Cup. Il n’est pas impossible que Gerets se concentre sur ces pays qu’il connaît si bien et délaisse les jeunes joueurs locaux, vrais patriotes et qui perdent une bonne occasion de briller et de se faire repérer à l’étranger. Parce que ne l’oublions pas, Equipe Nationale et championnats nationaux sont toujours liés, et ce modèle s’inscrit dans un cercle vicieux qui déconnecte les Lions de l’Atlas et la Botola, affaiblissant cette dernière : les clubs ont besoin de vendre pour survivre et les internationaux, ça rapporte plus…En retour, des clubs sains forment mieux et plus de joueurs pour alimenter la sélection. C’est l’histoire de l’œuf et de la poule…

Alors, Gerets, oui, avec grand plaisir même. Mais pourvu qu’il reste fidèle à sa ligne de conduite et qu’il donne sa chance à nos locaux. Et surtout, qu’il fasse rugir nos Lions de nouveau…

Votre serviteur, Qerd Mamass